La « panacée du cardiologue »
Panacée, littéralement « remède à tout » ou encore « la Secourable » est une déesse du panthéon grec, l’une des enfants d’Asclépios. Elle était en charge de soigner les malades avec des plantes ; on la retrouve avec une de ses sœurs, Hygie, dans le serment d’Hippocrate.
Comme nom commun, elle est synonyme de la « thériaque », un célèbre contre poison ramené à Rome par Pompée. Elle sera utilisée, modifiée encore pendant les siècles suivants jusqu’au début du 20ème. Mais elle était déjà moquée par Pline l’ancien comme charlatanisme devant la quantité folle d’ingrédients et d’effets réputés sur beaucoup trop de maux pour être honnête.
C’est l’origine de cette ambivalence : l’espoir d’un remède universel face à la réalité des différentes maladies et complications d’accidents qui s’étalera jusqu’au siècle dernier et le développement de la pharmacopée moderne (catalogue des médicaments).
C’est votre manière d’agir qui est la panacée !
Pourquoi parler alors de Panacée ici ? Parce qu’il existe un élément essentiel dans la prévention et le traitement des maladies cardio-vasculaires. Ce n’est pas une formule magique, ni une pilule, encore moins une potion à base de poudre de vipère et d’autres choses étranges, c’est votre manière d’agir (“comportement”).
Le cœur et le système cardio-vasculaire, c’est environs 100 000 battements par jour, 40 millions par an et jusqu’à 3 milliards au cours d’une vie, 5 litres de sang transportés à travers un réseau avoisinant les 100 000 km, soit 2 fois et demi le tour de la terre … pour un adulte en bonne santé.
« Un cœur gros comme ça aux dimensions astronomiques ».
Lorsque le système déraille, il fait 400 morts par jour en France. 1ère cause de mortalité pour les femmes ET les hommes de plus de 65 ans. 2ème cause de mortalité pour les hommes avant 65 ans (derrière les cancers). Et surtout 1ère cause de mortalité pour les femmes avant 65 ans (devant les cancers). (1) Le tableau est encore plus sombre lorsque l’on compte les années de vie en bonne santé perdues après une attaque, un AVC, une artérite, …
Les hormones des femmes ne les protègent pas des maladies cardio-vasculaires, il faut en finir avec cette idée. (2)
Un peu de santé publique pour comprendre le risque cardio-vasculaire
On distingue plusieurs niveaux de prévention :
- La prévention primaire : avant la survenue d’un problème, on évite l’apparition du risque, c’est toujours ce qu’il y a de mieux à faire.
- La prévention secondaire : après un accident, on va pouvoir empêcher l’aggravation d’une lésion qui restera présente (c’est le cas pour l’arrêt du tabac) ou même réduire le risque pour de bon. Par exemple le risque d’AVC diminue mécaniquement en baissant la tension artérielle.
Un « Facteur de Risque Cardio-Vasculaire (FRCV) augmente le risque de survenue de la maladie coronarienne lorsqu’on s’y expose, et diminue le risque lorsqu’on le supprime ou l’améliore. Cette dernière caractéristique (la réciprocité) le différencie du « marqueur de risque » qui lui, ne fonctionne que dans un sens – supprimer le marqueur ne change pas le niveau de risque.
On distingue classiquement les facteurs de risques cardio-vasculaires en 2 familles :
- Ceux que l’on ne peut pas modifier : age, sexe et hérédité biologique – celle qui est véritablement liée à vos gènes, pas aux habitudes familiales.
- Ceux sur lesquels on peut agir : tous les autres. Les plus fréquemment cités concernent le tabagisme, l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité abdominale, des facteurs psychosociaux, … Ils sont plus nombreux selon les études que l’on choisira, certains auteurs en dénombrent une centaine.
Un point à retenir : les facteurs de risques ne s’additionnent pas (1+1=2), ils se potentialisent (1+1=3 !) : un peu de cholestérol avec un peu d’hypertension et une cigarette de temps en temps peuvent produire plus de dégât sur votre santé que beaucoup de cholestérol.
Pas de chance, ou plutôt si. Car si vous baissez l’exposition à quelques facteurs par un effort réduit, vous diminuez considérablement le risque cardio-vasculaire. Peu d’effort suffit pour un gain avantageux !
Un bémol cependant, les modèles (scores) actuels d’évaluation de risques basés sur les FRCV ont des failles : ils minorent l’impact de votre âge (dès que vous franchissez un seuil d’âge votre risque augmente) ; ils minorent toujours le risque pour les femmes alors que les chiffres de mortalité/morbidité indiquent le contraire : les femmes sont probablement plus exposées que les hommes au risque d’accident cardio-vasculaire ; ils ne prennent pas correctement en compte le temps d’exposition à un facteur de risque (ils considèrent par exemple que soit vous fumez, soit vous ne fumez pas, alors que la durée a un impact).
Arrêter de fumer – manger mieux et bouger plus : voilà la composition de la panacée des cardiologues
Arrêter de fumer – manger mieux et bouger plus : voilà la composition de la panacée des cardiologues. Ces trois éléments, simple, qui viendront naturellement réduire le stress et améliorer votre sommeil. Cela va réduire tous les facteurs de risques cardio-vasculaires modifiables et permettre de faire disparaître 80 % du risque des maladies cardio-vasculaires en plus d’améliorer votre qualité de vie. J’insiste sur ce chiffre, avec ces 3 éléments, 80 % du risque est supprimé.
Aucun médecin, aucun pharmacien, aucun professionnel de santé ne peut le faire à votre place ; c’est votre manière d’agir (“comportement”) qui a le plus d’impact.
✔ Aujourd’hui, tous les professionnels de santé peuvent vous aider à arrêter de fumer et plusieurs substituts nicotiniques sont totalement ou partiellement pris en charge (si vous avez eu la mauvaise idée de commencer, il n’est jamais trop tard pour arrêter). (3)
✔ Manger mieux c’est manger varié et sans excès (ni trop – ni trop peu). (4)
✔ Bouger plus, c’est une heure tous les jours pour les enfants (80 % ne le font pas) et idéalement 30 minutes tous les jours pour les adultes. (5)
Ces mesures ne remplacent pas un traitement qui aurait été prescrit par un professionnel de santé, elles sont le socle de votre prise en charge sur lequel peuvent venir s’ajouter les effets de vos traitements.
Pour aller plus loin, comme chaque année le 29 septembre avait lieu la journée internationale du cœur. A cette occasion, la fédération française de cardiologie organisait du 20 au 29 Septembre les semaines du cœur, un peu partout en France. (6)
Auteur : J. Schenker – Infirmier Délégué à la Santé Publique – Asalée
Sources et références :
- BEH du 12 Novembre 2019 – https://www.santepubliquefrance.fr/docs/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-12-novembre-2019-n-29-30-surveillance-de-la-mortalite-par-cause-medicale-en-france-les-dernieres-evolutions
- https://presse.inserm.fr/oestrogenes-et-risques-cardiovasculaires-chez-les-femmes-menopausees/1492
- https://www.tabac-info-service.fr/
- https://www.mangerbouger.fr/Manger-mieux
- https://www.mangerbouger.fr/Bouger-plus
- https://fedecardio.org/nous-connaitre/semaine-du-coeur-2021/